Directeur de Co-assist Jean Guérin de face 28 juillet 2016

Interview de Jean Guérin par Cap Digital

Co-assist vise à apporter une solution multifonctionnelle aux personnes âgées dépendantes et isolées, dont le risque de chute est réel et a souvent de graves conséquences. Partie d’une envie « d’apporter de la valeur a la société », la start-up a convaincu investisseurs et jurys de concours de les soutenir financièrement. Jean Guérin, l’un des fondateurs revient dans cet entretien sur les conditions d’une entrée réussie dans la Silver Économie.

« Les objets connectés ont beaucoup de potentiel, à condition de s’intégrer dans la vie quotidienne et de répondre à un usage »
Apporter de la valeur à la société grâce aux solutions de e-santé

Co- Assist est une start-up fondée en mars 2015, par deux centraliens, Pierre-Yves et moi-même. Nous voulions créer une entreprise qui apporte de la valeur pour la société, et c’est pour cette raison que le marché de la silver économie nous a semblé intéressant. Nous espérons apporter quelque chose qui soit plus qu’un simple gadget : nous sommes très fiers d’être les premiers à avoir un système qui fonctionne partout, tout le temps, cela signifie que nous apportons une valeur ajoutée. Nous nous sommes concentrés sur cet objectif dès le départ, en partant du principe que ce serait le marché qui déciderait de la valeur de notre produit. A l’origine du projet, nous avons apporté 40 000€, qui nous ont permis de nous développer jusqu’à ce qu’on remporte un certain nombre de concours, dont un concours de la Mutuelle Générale qui soutenait la recherche sur la maladie d’Alzheimer. Après une nouvelle levée de fonds, nous avons aussi remporté le Concours Mondial de l’Innovation, doté de 200 000€, et un nouvel investisseur vient de nous apporter 230 000€.

Des dispositifs de téléassistance largement répandu mais inadaptés

Notre solution est un bracelet d’alerte pour personnes âgées, qui peut être relié à un plateau de téléassistance. Traditionnellement, celle-ci consiste en une borne dans le salon, avec un haut-parleur ou alors, en un bracelet ou un collier, munis d’un bouton avec une ligne de téléassistance téléphonique. Ce système est très répandu en France puisqu’il compte entre 500 et 700 000 utilisateurs, mais a plusieurs défauts : il est stigmatisant, il ne fonctionne qu’au domicile, et il n’est pas très intelligent, dans le sens où il n’y a pas de détection automatique. Quelques statistiques sont clés dans le secteur : 50% des gens qui possèdent un système tel que celui-ci ne le portent pas, parce que c’est « laid », parce qu’ils n’ont pas envie d’être stigmatisés, ou que parfois ils n’arrivent tout simplement pas à le mettre, etc. Et dans ces 50% qui le portent, seulement la moitié pense à appuyer sur le bouton en situation d‘alerte. Donc sur ces 500-700 000 utilisateurs, il n’y en a qu’environ 200 000 qui s’en servent effectivement.

« La téléassistance est très répandue en France, puisqu’elle compte entre 500 et 700 000 utilisateurs »
Une réponse à certaines problématiques posées par Alzheimer

Dans le cas de la maladie d’Alzheimer, qui représente aujourd’hui en France environ 1 million de personnes, notre solution ne marche qu’à un stade de la maladie : les deux premières années, ce sont plutôt des pertes de mémoire, alors que les années suivantes les personnes vont perdre leurs repères et être amenées à errer, à se perdre. Pour répondre à ce stade de la maladie, nous avons développé une fonctionnalité dédiée basée sur la géolocalisation. Le premier stade de la maladie recoupe donc un usage de notre produit qui est très proche des personnes qui n’ont pas Alzheimer, tandis que le second cycle est particulier et nécessite des solutions spécifiques.

Améliorer la détection des chutes des personnes âgées

Le marché typique de Co-Assist, c’est une femme de 82 ans, parce qu’en France les hommes meurent deux ans plus tôt que les femmes et celles-ci ont en moyenne deux ans de moins que leurs maris. A cet âge-là, en moyenne, les femmes sont seules. La chute provoque la prise de conscience, qui amène à utiliser notre solution ; c’est aussi la première cause de mortalité et de dépendance chez les personnes âgées. Il y a beaucoup de facteurs qui entraînent la chute, mais souvent, le basculement se fait à ce moment-là, comme le montrent des statistiques affligeantes : si la personne reste plus d’une demie heure dans cet état, son espérance de vie diminue drastiquement. Il y a des séquelles traumatisantes, à la fois psychologiques et physiques. C’est une des grandes limites des systèmes actuels, c’est-à-dire qu’ils ne sont mis en place qu’au domicile : l’usager est rassuré mais il sait que le dispositif ne marche pas en dehors. Donc il ne sortira plus de chez lui, ne fera plus d’activité physique, et entre dans la spirale de la dépendance.

« La chute provoque la prise de conscience qui amène à utiliser notre solution. C’est aussi la première cause de mortalité et de dépendance chez les personnes âgées »
Aller au plus près du besoin des personnes âgées

Nous avons essayé de faire en sorte que notre produit réponde à ce constat : il est non stigmatisant, puisqu’on porte une montre. Le bouton est facilement atteignable mais ce qu’on voit, c’est l’heure ; et cela compte beaucoup vis-à-vis des autres. Le deuxième aspect, c’est qu’il faut que ce soit le plus automatique possible : nos ingénieurs aujourd’hui travaillent sur des détections automatiques de chutes, il y a aussi un GPS embarqué. Nous demandons aux proches de la personne de définir une zone de sécurité, donc quand la personne sort de cette zone, ses proches sont prévenus automatiquement, ce qui est très utile à un certain stade de la maladie d’Alzheimer, par exemple.

Un troisième aspect est que la montre fonctionne partout et tout le temps. Il y a des solutions qui sont aujourd’hui basées sur la technologie GSM, donc celle des téléphones portables ; mais en fait, comme il faut les recharger tous les deux jours, cela devient un prétexte pour enlever le dispositif et ne pas le remettre après. C’est une des raisons pour lesquelles ce marché ne décolle pas, d’après nous.

Prouver la valeur ajoutée des objets connectés

80% des objets connectés, des accéléromètres, des fitbits etc., ne sont plus utilisés au bout d’un mois. Les objets connectés ont beaucoup de potentiel, à condition de s’intégrer dans la vie quotidienne et de répondre à un usage ; sinon ils finissent oubliés dans un placard. Pour cela il faut encore que les objets connectés prouvent qu’ils vont aider l’usager. Ce n’est que comme cela que les wearables vont s’intégrer : en rendant des vrais services, ce qui n’est pas encore le cas aujourd’hui. Il est fondamental de partir du besoin de l’usager. Beaucoup de technologies existent déjà, qui permettent de faire des choses nouvelles : par exemple, nous nous sommes basés sur le réseau Sigfox, un réseau purement d’objets connectés et nous l’avons détourné pour créer une solution B2C – nous avons transformé l’usage du smartgrid pour répondre au mieux à l’usage de la personne âgée.

« 80% des objets connectés, des accéléromètres, des fitbits etc., ne sont plus utilisés au bout d’un mois »
Aller au plus près du besoin des personnes âgées

Nous avons essayé de faire en sorte que notre produit réponde à ce constat : il est non stigmatisant, puisqu’on porte une montre. Le bouton est facilement atteignable mais ce qu’on voit, c’est l’heure ; et cela compte beaucoup vis-à-vis des autres. Le deuxième aspect, c’est qu’il faut que ce soit le plus automatique possible : nos ingénieurs aujourd’hui travaillent sur des détections automatiques de chutes, il y a aussi un GPS embarqué. Nous demandons aux proches de la personne de définir une zone de sécurité, donc quand la personne sort de cette zone, ses proches sont prévenus automatiquement, ce qui est très utile à un certain stade de la maladie d’Alzheimer, par exemple.

Un troisième aspect est que la montre fonctionne partout et tout le temps. Il y a des solutions qui sont aujourd’hui basées sur la technologie GSM, donc celle des téléphones portables ; mais en fait, comme il faut les recharger tous les deux jours, cela devient un prétexte pour enlever le dispositif et ne pas le remettre après. C’est une des raisons pour lesquelles ce marché ne décolle pas, d’après nous.

Prouver la valeur ajoutée des objets connectés

80% des objets connectés, des accéléromètres, des fitbits etc., ne sont plus utilisés au bout d’un mois. Les objets connectés ont beaucoup de potentiel, à condition de s’intégrer dans la vie quotidienne et de répondre à un usage ; sinon ils finissent oubliés dans un placard. Pour cela il faut encore que les objets connectés prouvent qu’ils vont aider l’usager. Ce n’est que comme cela que les wearables vont s’intégrer : en rendant des vrais services, ce qui n’est pas encore le cas aujourd’hui. Il est fondamental de partir du besoin de l’usager. Beaucoup de technologies existent déjà, qui permettent de faire des choses nouvelles : par exemple, nous nous sommes basés sur le réseau Sigfox, un réseau purement d’objets connectés et nous l’avons détourné pour créer une solution B2C – nous avons transformé l’usage du smartgrid pour répondre au mieux à l’usage de la personne âgée.

« 80% des objets connectés, des accéléromètres, des fitbits etc., ne sont plus utilisés au bout d’un mois »
La silver économie, un marché ancien

La silver économie est un nouveau nom pour désigner un marché qui existait déjà. Les conséquences du baby-boom vont bientôt arriver car ce ne sont pas encore des personnes âgées en situation de dépendance totale. La puissance du phénomène n’est pas encore à son comble, en tous cas pas sur le marché de la téléassistance.

La silver économie est un marché historique, avec un petit nombre d’acteurs. En étant incubés chez SilverInnov, qui fait partie de la « Silver valley » soit le cluster de la silver économie à Paris, ainsi que grâce au réseau centralien, nous avons pu rencontrer 80% des acteurs qui comptaient dans le secteur. Ils sont demandeurs de nos technologies. C’est un secteur qui pousse vers l’innovation mais qui n’est pas encore aussi innovant qu’il pourrait l’être.

Il y subsiste des lourdeurs, en partie car nous ne sommes pas vraiment dans la santé mais sur un secteur proche, et la question de la légitimité des acteurs y est importante. C’est un des facteurs qui a imposé notre business model basé sur la location. Dans notre cas, les clients se demandent encore si notre solution est fiable. Une des raisons pour lesquelles nous ne faisons pas partie du marché de la Santé est que nous faisons attention à ne pas traiter de données personnelles de santé.

Malgré cela, la transformation numérique est bien en train de faire évoluer la silver économie. Notre premier marché, c’est celui de la téléassistance : le cas classique de la borne à domicile reliée à un téléassisteur. Notre deuxième marché, c’est celui des EHPAD (Etablissement d’Hébergement des Personnes Âgées Dépendantes) où nous sommes en concurrence avec les systèmes d’appel malade. Enfin, nous nous positionnons sur un troisième marché : soit nous vendons aux télé-assisteurs notre solution et ils y ajoutent leur plateau de téléassistance, soit on automatise le plateau de téléassistance en s’appuyant sur divers moyens comme des applications mobiles. Dans ce cas-là, notre produit disrupte le hardware mais aussi le service.

«Malgré certaines lourdeurs, la transformation numérique est bien en train de faire évoluer la silver économie »
La transformation numérique progressive des EHPAD

Dans le cas du marché des EHPAD, les appels malades sont intégrés dans les murs, dès la construction des bâtiments, ce qui rend l’accès au marché compliqué. Se pose aussi la question du financement de notre solution : certains produits font partie des listes blanches des ARS (Agences Régionales de Santé) et peuvent ainsi être inscrit dans un budget obligatoire pour les EHPAD. Cela signifie pour nous faire un intense travail de sensibilisation auprès des ARS, ce qui complique encore l’accès à ce marché.

Cependant, la transformation numérique dans les EHPAD est tout de même en train d’arriver : les constructeurs de ces établissements, aujourd’hui, regardent du côté des innovations. Nos gros concurrents se positionnent d’ailleurs avec des solutions novatrices, et même si le marché met du temps à se retourner, la transformation est bien réelle. On a réussi à faire une solution très compétitive, mais un EHPAD privé a besoin de savoir quel sera son retour sur investissement, ce qui n’est pas évident. En revanche, les acteurs de la téléassistance sont plus demandeurs.

La fracture numérique est bien réelle

Dans notre situation, la fracture numérique est plutôt à notre avantage. Le jour où les personnes âgées possèderont un smartphone et s’en serviront comme des jeunes s’en servent, c’est à dire en permanence, notre marché disparaîtra. La fracture numérique nous ouvre concrètement des opportunités. Je pense que le jour où notre génération deviendra dépendante, nous utiliserons plutôt des solutions comme celle de Doro, qui vend un smartphone avec un gros bouton de téléassistance.

Aujourd’hui, la fracture numérique est réelle, bien qu’elle se réduise. Les personnes exprimant un réel besoin sont les personnes âgées en situation de dépendance, vers les 80 ans. La question qui se pose alors est la suivante : quel usage du smartphone auront les personnes âgées de demain, celles qui en utilisent un aujourd’hui ?

Un constat : l’accès au marché de la santé reste difficile pour les startups

Il reste très compliqué pour une start-up ou une entreprise innovante de se développer dans la e-santé. Pour des questions de barrières de dispositif médical, de données de santé etc. Ce qui fait que je ne serai pas surpris qu’on ait des produits wearables qui touchent le domaine de la santé – par exemple, nous réfléchissons à intégrer un cardio. Je pense que la limite entre dispositifs médicaux et objets connectés va être très fine pendant un certain temps, le temps que les pouvoirs publics facilitent l’accès au marché. Le risque du wearable c’est de tomber dans le « gadget » ; il faut apporter des vraies solutions, qui répondent à un vrai besoin pour l’éviter.

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