femme a froid assise sur un banc 1 août 2016

Accidents en EHPAD : quelle responsabilité pour le directeur ?

Chutes, rixes entre patients, fugues : ces incidents arrivent fréquemment au sein d’un EHPAD et engendrent parfois le décès d’un résident s’il n’est pas secouru à temps. Les EHPAD ayant, en matière de sécurité, une obligation de moyen et non de résultat, ces évènements dramatiques donnent rarement lieu à une condamnation pénale du directeur ou du personnel de l’établissement (chaque année, moins d’une dizaine sont prononcées par les tribunaux français). Toutefois, la judiciarisation croissante de la société conduit de plus en plus à la recherche d’un responsable lorsqu’un accident survient.

Responsabilités civile et pénale du personnel et du directeur de l’EHPAD : de quoi parle-t-on ?

La responsabilité juridique en EHPAD est très spécifique. Cela est en partie dû au fait que les personnes prises en charge sont âgées, et pour la plupart dépendantes ou atteintes de troubles du discernement.

Quoi qu’il en soit, il faut bien distinguer la responsabilité civile de la responsabilité pénale. La responsabilité civile d’une personne est engagée lorsqu’il existe un préjudice matériel, corporel ou moral causé à un tiers. Il s’agit alors de réparer pécuniairement ce dommage. Le directeur tout comme le personnel soignant n’engagent leur responsabilité qu’en cas de faute lourde, c’est-à-dire lorsque l’intention de nuire est démontrée. Sinon c’est l’établissement, en tant que personne morale, qui engage la sienne.

La responsabilité pénale, quant à elle, est engagée lorsqu’il y a une infraction réprimée par le Code pénal. En tant que chef d’établissement, le directeur est bien souvent le premier voire le seul mis en cause. La plupart du temps, il sera poursuivi pour mise en danger de la vie d’autrui du fait d’un défaut de surveillance, d’une négligence, d’une imprudence ou encore d’une désorganisation du service. De plus, le dirigeant d’EHPAD qui n’aurait pas causé directement le dommage est tout de même responsable pénalement s’il est établi qu’il n’a pas pris toutes les précautions nécessaires pour éviter l’accident. Le juge sera d’autant plus sévère si l’établissement est spécialisé dans la prise en charge de personnes dépendantes ou vulnérables. L’état du résident s’avère également être un critère important puisque la jurisprudence a établi que le niveau de surveillance ne peut être uniforme et doit être adapté à chacun. Ainsi, a été condamné pour négligence grave le gestionnaire d’un EHPAD qui n’avait pas pris de décision de surveillance accrue concernant l’un de ses résidents qui pourtant avait déjà fait plusieurs tentatives de fugue. Ce résident était décédé après 10 jours d’errance. A l’inverse, suite au décès d’une patiente atteinte d’Alzheimer qui avait également fugué, le tribunal a jugé qu’il n’y avait pas eu de faute de la part du directeur car des mesures notoires de sécurité avaient été prises auparavant : clôtures grillagées, portes fermées à clé, rondes nocturnes toutes les 2 heures.

Liberté versus sécurité : un dilemme difficile à résoudre

Quotidiennement, les EHPAD doivent allier obligation de sécurité et liberté d’aller et venir même si ces deux contraintes sont a priori opposées. La fugue des résidents est la question épineuse au cœur de ce débat, d’autant plus que le risque de fugue involontaire liée à la déambulation des personnes désorientées croît du fait de l’augmentation des troubles cognitifs et de la démence. Selon la fondation Médéric Alzheimer, 35% des EHPAD reconnaissent que le risque de fugue ou d’errance constitue un motif valable de refus d’admission.

Une obligation de surveillance renforcée est imposée aux EHPAD afin de garantir la sécurité de leurs patients fragiles. Mais en parallèle, les résidents sont, en principe, libres de tout mouvement car c’est une liberté fondamentale qui s’applique à tous les citoyens. En pratique toutefois, le droit à la liberté d’aller et venir est quelque peu bafoué dans les EHPAD, amenant certains à les comparer à des prisons (voir notre article “Ouvrez les portes des EHPAD !”). Le patient reste libre de quitter l’établissement mais il peut en être exclu s’il refuse les restrictions à sa liberté de mouvement qui lui sont imposées.

Comment assurer un niveau de sécurité suffisant tout en maintenant la liberté de mouvement des résidents ?

En 2013, suite à 4 décès de résidents d’EHPAD survenus en l’espace de 3 semaines, Michèle Delaunay, alors Ministre déléguée chargée des personnes âgées et de l’autonomie, avait créé la polémique en annonçant son souhait de voir ces personnes porter un « bracelet d’autonomie » – en fait un bracelet électronique similaire à celui des détenus. Elle arguait que ce bracelet accordait finalement plus de liberté au résident. Ce pavé dans la mare a au moins eu le mérite de mettre en lumière le fait que les solutions existantes pour affronter la déambulation des personnes désorientées étaient inadaptées (voir notre article “Faire face à la déambulation des malades d’Alzheimer – des solutions aujourd’hui inadaptées”).

Cependant, 3 ans plus tard, des progrès ont permis de contourner ces limites : les dispositifs de géolocalisation sont moins stigmatisants, leur coût moins élevé, leur batterie plus performante et certains fonctionnent conjointement à l’intérieur et l’extérieur d’un bâtiment.

Sources : Le Monde, ehpad-magazine.com, gazette-sante-social.fr, weka.fr, prevention.sham.fr, travaux de Karine Lefeuvre-Darnajou, professeur à l’EHESP.

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